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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

épaules lourdes, avec des cheveux laineux et frises sur les tempes. Un large visage commun, maussade et déliant, dans lequel deux petits yeux clignotaient, comme pour mieux voir sans être vus. C’était une magnifique canaille, dont la maîtrise stupéfiait. Avare de ses mots comme de ses regards, il savait surtout écouter pour profiter des défaillances et y opposer son sang-froid.

Quand Barbet entra, ses yeux seuls bougèrent. Puis, d’une voix pointue :

— Je vous ai fait demander trois fois.

— Patron… j’arrive.

— Je vous présente le capitaine Renaudin, attaché à l’armée britannique ; il a fait beaucoup pour le rapprochement de nos deux pays.

Barbet s’inclina : il était devenu timide et respectueux.

— Barbet, fit le patron, sans même le regarder cette fois, avec une voix encore plus menue, vous savez qu’il faut, de plus en plus, faire toucher au public l’effort colossal de la nation anglaise.

Barbet aperçut le capitaine Renaudin, raide, comme s’il présentait les armes au discours du patron. Une générosité subite l’envahit ; il répondit d’une voix chaude :

— Patron… à vos ordres.