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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Qu’ai-je fait de mes pilules antinausiques ? se demanda-t-il, tâtant ses poches.

Il se cacha dans un coin de l’entrepont pour ouvrir sa valise, sortit sa boîte et avala trois petites saletés qui étaient amères et le firent tousser.

Puis il monta sur le pont, et là il trouva, debout, assis, couchés, mêlant la fumée de leurs pipes en silence, trois ou quatre cents officiers ou soldats britanniques, qui s’étaient affublés chacun d’une ceinture de sauvetage.

— Diable ! se dit-il. Il m’en faut une aussi.

Il redescendit, fureta et trouva son affaire dan le salon d’en bas. Comme les autres, il se ficela de paquets de liège sur la poitrine et sur les omoplates, et quand il fut saucissonné, il ne songea pas une seconde à la drôlerie de tous ces hommes bouchons, qui, d’ailleurs, étaient sérieux comme des popes.

Puis… on sortit du port, et il commença à devenir attentif. Il avait dit à sa femme : « Les Boches n’attaquent jamais les bateaux de voyageurs », mais c’était une affirmation charitable. En vérité, il pensait : « Je peux très bien être avec les poissons dans une demi-heure ». Il n’avait même plus d’autre idée pour chasser ou atténuer celle-là. Il aurait eu besoin de causer. Il rôda,