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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Avec les ?… Ah ! je voudrais le voir encore, ce coco-là, pour lui faire compliment… Les Anglais, Dieu de Dieu !

Il avait repris sa canne, la serrait, et, levant les yeux :

— En voilà une amitié, qui est une trouvaille ! Quel pays d’idiots, cette France ! Quand on pense qu’on va se laisser dévorer par ces lascars-là, qui nous chiperont notre commerce, qui ne démarreront pas de nos côtes, qui sont en train de nous fabriquer des petits Anglais dans tous les départements, et nous, béats, faisons la risette, nous grisons avec des phrases, et répétons comme des perroquets : « Les chics Anglais ! Les braves Anglais ! » parce qu’ils ont de la marmelade et des couteaux à ficelle ! Au début, les belles Madames ne pouvaient pas se contenir… ; maintenant, ce délire gagne la presse… Ouvre n’importe quel canard : tous les jours, panégyrique de deux colonnes sur ces messieurs, avec qui nous nous dépeçons depuis toujours, qui ont grillé Jeanne d’Arc, fait crever Napoléon… Seulement, ils ont eu Édouard VII qui adorait les bouis-bouis de Paris ; alors, ça nous a conquis, et nous en bavons ! Qu’ils fassent maintenant ce qui leur plaît ! Et ils ne s’en privent pas… « Comme