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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

croire, en pleine France, sous un ciel gris, au phénomène du mirage.

Barbet balbutia :

— Qu’est-ce que c’est ?

Le major sourit. Il tenait d’abord à boire un whisky-soda. Il gagna donc la cantine, se fit servir avec largesse, puis, levant son verre à la santé de Barbet, il expliqua gentiment :

— C’est… comment vous dites pour le double ?

— Mais… le double.

— Alors le double… Pour qu’on soit pas fatigué, n’est-ce pas, chacun des deux il fonctionne quinze jours… puis il se repose… tout il se repose : infirmiers, nurses, même les allées que on marche plus, même les jardines qui préparent des surprises !… Et alors on peut tenir tant que il faudra, car non seulement les soldats ils ont le bon moral, mais l’hôpital il a aussi…

Barbet fut emballé par cette péroraison.

— Ah ! s’écria-t-il, par votre loyauté, votre cœur, votre jeunesse, vous embellissez la guerre !

Il reprenait son air digne.

— Depuis deux jours vous avez dû sentir que je ne suis pas homme à vous passer la main dans le dos. Mais, mon cher major, je compare. Eh bien !… chez nous, c’est le sabotage ! « À la