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GRANDGOUJON

femme, et il s’attardait à cette image voluptueuse. Mais, Madame Grandgoujon qui, pendant les visites, ne goûtait aucun repos, toujours empressée à dire quelque chose, reprit :

— La vie devient folle !… n’est-ce pas, Madame ? Trouvez-vous du charbon ?… Enfin… il paraît que les Américains vont faire un grand effort… Espérons, qu’avec l’aide de Dieu, nous pourrons nous voir tranquillement dans la paix…, etc…, etc…

— Je me sauve, fit Grandgoujon. Madame des Sablons, si vous permettez, j’irai vous revoir… Cette heure militaire, c’est l’esclavage… Ah !… sans compter que je ne digère pas…

— Rentres-tu pour dîner ? dit sa mère.

— Si je ne suis pas à Salonique, — oui !

Madame Grandgoujon poussa un cri : « Tu plaisantes ? »

Il disparut. Dans la rue, il aperçut Colomb qui descendait d’un taxi :

— Hep ! Je monte à la place !

Colomb fit le geste de chercher de la monnaie.

— Je paierai, dit Grandgoujon.

Mais Colomb, admiratif, prononça :

— Vous voilà soldat ! Bravo !

— Fumiste ! fit Grandgoujon.

— Non, non, reprit l’autre gravement, je ne m’attache pas au détail, mon bon ami : je vois le symbole, moi, je vois largement. Tenez, j’ai en train une affaire considérable de charbon pour mes œuvres… Ah ! si je voyais les choses comme l’Administration, du petit côté !… Dieu ! les mi-