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GRANDGOUJON

Elle répliqua dans un éclat de rire :

— Et vous, que vous êtes drôle !… Oh ! Ce déguisement !

— Hélas ! Chère Madame, fit-il avec un soupir, c’est l’image du mastic dans lequel nous sommes !

Joyeuse, elle l’interrompit :

— Chantez le couplet comique : je vous prédis un triomphe !

Et avant qu’il ait pu répondre, elle reprit, minaudière :

— J’étais descendue voir Madame Grandgoujon.

Puis elle rit encore, montrant ses dents petites et blanches.

Chez une femme du monde, il n’y a pas une adaptation exacte du geste à la pensée ; elle s’épanche en éclats de voix qui n’accompagnent qu’à demi les paroles ; mais il faut n’y voir, au lieu d’une manifestation logique, que de la grâce naturelle en train de s’épanouir. Elle avait bon teint, Madame des Sablons, était ferme et bien faite. Elle vivait une journée de santé, et quand elle ricanait sur une phrase, cela n’exprimait nullement : « Je me moque de ce que je dis ! », mais : « Vivre, quel plaisir !… N’est-ce pas que je suis agréable ? Je n’ai sonné chez vous que pour me faire voir. »

Madame Grandgoujon avait voulu enfiler une robe ; elle s’agitait dans sa chambre ; et pendant ce temps, son fils, oubliant la vie militaire, commençait de causer avec Madame des Sablons, son siège contre le sien.

Elle ne resta pas assise. Elle tourna dans la