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GRANDGOUJON

— Vous, Monsieur ! Que vous êtes aimable ! Moi qui voulais descendre vous voir ! Est-ce notre ami Colomb qui vous a dit ?… Entrez, Monsieur, entrez… Je vous ai maintes fois rencontré dans l’escalier. Et vous m’étiez si sympathique !

C’était un homme ni petit ni grand, sans âge, au teint fumeux, aux yeux noyés, qui disait d’une voix pressée des paroles connues, dont le sourire était sans gaîté, la gravité sans conviction, et de qui les cheveux trop bien peignés faisaient penser tout de suite : « Tiens, il a une perruque ! » Il continua :

— Je ne savais pas que vous fussiez avocat… Moi qui aime tant les avocats ! Mon père était avocat, mon grand-père aussi… Quel plaisir, Monsieur !… Je vais vous présenter ma femme. Elle voulait aller respectueusement saluer Madame… c’est votre mère, n’est-ce pas ? Justement la voici… Chère amie, Monsieur Grandgoujon, de qui nous parlons si souvent… Il est plus gracieux que nous !… Mon char voisin, prenez ce fauteuil… c’est si charmant de votre part… Il y a de secrètes affinités… Dans ces maisons de Paris on est superposé, tels des livres en une bibliothèque… mais comme les livres aussi on peut communier par l’esprit… Je cours chercher la lettre de notre ami Colomb.

Il disparut, laissant avec sa femme Grandgoujon qui n’avait pas reprit haleine. Et aussitôt, ce fut son tour à elle de sourire, d’être accueillante, de dire merci.

— Je comprends, Monsieur, que mon mari