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GRANDGOUJON

— Pas de pain : ça gonfle. Pas de vin : ça brûle. Pas de viande : ça fermente. Pas de fromage : ça irrite. Et surtout pas de café : on en crève ! Eh bien ! je n’ai pas eu le temps, sortant de chez lui, de boire un café, et… un pousse-café qui m’aurait sauvé ! Il m’a semblé… comment dire… que je fondais… je ne pesais rien… je ne me croyais plus en chair ni en os… Et alors, cette petite gale… Bon Dieu ! j’ai oublié mon chapeau chez elle… Je redescends et vais lui dire son fait.

Il était retrempé et il sortit en hâte ; mais il tomba sur Mariette, la vieille bonne, ou plutôt la vieille mule, coriace et rouée qui, après trente ans au service de Madame, de servante était devenue maîtresse et avait toujours, même en présentant une lettre, l’air rogue et condescendant d’une mauvaise âme qui, pour une fois, fait grâce.

Elle apportait du courrier.

— Pour Monsieur…

— Qu’est-ce encore ?

— Convocation…

— Convocation ?

Elle fit une moue et, achevant de s’essuyer les bras avec son tablier bleu — car elle sortait d’une petite lessive — elle se campa dans la porte :

— Je répète ce que m’a dit la concierge… même qu’elle a l’air contente.

Grandgoujon se tourna pour prendre à témoin sa mère ; mais il rencontra des yeux suppliants qui voulaient dire : « Mon enfant, je t’en supplie, tais-toi ! », si bien que son humeur s’étouffa en grognements. Il fit à Mariette :