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GRANDGOUJON

n’oublie pas le petit rouge !… Elle n’est pas formidable cette maison ?… Revenons à ma théorie…

— Revenons, dit Moquerard.

— Avant, dit Grandgoujon, nous vivions chacun chez soi.

— Maintenant, nous vivons chez les autres, et cocufions les maris, dit Moquerard.

À ces mots, Colomb éclata d’un rire, qui coupa net à Grandgoujon sa phrase. Inquiet, il regarda autour de lui.

— Continue donc ! dit Moquerard.

— Vous vous payez ma tête, fit Grandgoujon, qui se sentit moite. Buvons.

— Oh ! Monsieur, on ne se paie pas la tête d’un homme qui a commandé de pareilles côtelettes, dit, du bout des lèvres, Mademoiselle Dieulafet, de l’Odéon.

— N’est-ce pas elles sont fameuses ? reprit Grandgoujon s’enflammant de nouveau… mais, je vous en prie, ne vous pressez pas… je voudrais ce petit rouge… Eugène, sacré nom d’un chien, le petit rouge !

— La suite de la théorie ! dit Moquerard sur l’air des lampions. La suite de…

Malgré lui, Grandgoujon sourit :

— Ne me blaguez pas. Cette guerre m’a jeté, moi, un pas mauvais type en somme, et pas plus nul qu’un autre, — cette guerre m’a jeté comme tout le monde en pleine mêlée !

— Je t’écoute ! dit Moquerard.

— Moi, j’ai eu un père qui aimait les poètes, et ma mère raffolait des contes de fées.