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GRANDGOUJON

Han !… Ah ! Ah !… » Alors elle aussi se mit à soupirer et à la bonne elle chuchota :

— Moi qui étais pressée de sortir…

Grandgoujon entendit.

— Oh ! Madame… Han !… Vous allez me faire mourir plus vite… Ah !… C’est sérieux, voyez-vous… je vais mourir dans votre antichambre… Jamais eu ça, moi… Et je vous jure que c’est affreux… de s’en aller à mon âge !… Cette guerre !… Je n’ai que quarante ans, moi !… Jeanne… ma pauvre femme, si tu me voyais…

— Mais Monsieur… on peut prévenir cette dame… qui vous aidera à remonter.

— Jeanne ? Han !… La pauvre petite ! Il y a quinze ans qu’elle est morte !… Ah ! maman !… finir chez les autres…

Et de ses pieds il sarclait le tapis, puis, de ses mains, il voulait arracher le velours de la banquette.

— C’est vrai, murmura la jeune femme en se tournant, que ce n’est agréable pour personne.

— Seigneur ! râlait Grandgoujon… ce n’est pas que je ne croie pas en Dieu !… Han !… Je crois en Dieu… mais… je n’étais pas prêt à partir ainsi… sans même avoir vu la paix… Madame, cette guerre… tuera tout le monde… Pas pu me soigner, moi… Cristi, que cette banquette est dure !…

Était-ce l’essoufflement ou bien ses efforts ? En parlant il prenait des couleurs. La jeune femme s’impatienta :

— Monsieur… il faut que je sorte.