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GRANDGOUJON

Oui, mais il peut me voir aussi : c’est un bain d’amidon.

Et il vit pénétrer dans sa cabine un poilu flanqué de musettes, de boîtes et de ballots, tenant d’une main une valise, de l’autre un moutard, qui, lui-même, tenait un panier, et le tout formait un ensemble dont aucune partie ne semblait séparable. Il fallut que le garçon aidât le tout à passer la porte, puis le tout se planta devant la baignoire, et l’homme, enfin, commença :

— Fait’ excuses… c’est pour vous m’ner ce p’tit gars qu’vous d’vez prendre.

— Ah ! fit Grandgoujon, qui devint rouge, mon petit réfugié ?… Monsieur, posez donc vos affaires… Pardon de vous recevoir ainsi… mais vous étiez pressé : vous êtes permissionnaire ?

— Justement, dit l’homme.

— Je ne pouvais pas sortir de mon bain, reprit Grandgoujon, c’est un bain d’amidon : ça ne fait du bien que si on reste… Mais asseyez-vous… enlevez mon pantalon… mettez-le par terre… Alors ? Il est gentil ce petit ?… Quel âge a-t-il ? Vous allez me raconter… Ce sont mes chaussettes, Monsieur, ça ne fait rien !

Elles étaient tombées dans le bain. Il les repêcha avec bonne humeur.

— J’aurai plus frais…

Puis, avec volubilité :

— Vous avez été chez moi ?… C’est là qu’on vous a dit… Je ne sais plus comment je vis… J’ai enterré ma mère, moi, aujourd’hui.

— Votre mère ? fit le soldat. Bon Dieu !