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GRANDGOUJON

l’entendit fouiller furieusement son fourneau de ses pincettes ; puis elle rouvrit la porte, et jeta dans l’entrée la photographie de Grandgoujon. L’ayant ramassée, il la mit dans sa poche. Une à une, il ferma les pièces de l’appartement, prit les clés, et muni de ce trousseau s’en alla, tandis qu’elle continuait de protester et de pleurer. Il descendit. En bas il remarqua :

— J’étais monté pour un savon : je ne l’ai pas… mais j’en ai flanqué un à trois personnes. Ça va. Je deviens bon !

Une chose, pourtant, lui serrait le cœur : cette insinuation des Poisson, répétée par cette carne : en guerre emmener sa mère au cirque, et…

Aussi, il demanda un « bain d’amidon, bien adoucissant ».

Il y était plongé depuis dix minutes et s’y détendait, oublieux, dans la tiédeur de l’eau, de toutes les misères qu’il résumait en lui, quand le garçon entra :

— M’sieur s’appelle Grandgoujon ?

— Oui, mon ami.

— Il y a un soldat avec un petit garçon qui demande de vous parler.

— Un soldat ?… C’est pressé ?

— Il le dit.

— Qu’est-ce qu’il veut ?

Le garçon sortit et revint.

— Il veut vous voir.

— Tout de suite ?… Bon sang !… Alors… faites entrer, dit Grandgoujon… Un soldat ? Il peut me voir dans mon bain… Et il y a un enfant ?…