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GRANDGOUJON

— À moi, Monsieur ne m’a jamais commandée sur ce ton ! gémit Mariette.

— Consolez-vous, reprit Grandgoujon serrant les poings, les Américains arrivent !

— Plaît-il ?… fit Mariette. Quand je pense que j’ai connu Monsieur, venant de naître…

— Et je faisais sur vos genoux : c’est un indice… Un savon !

— Dieu ! fit Mariette. Si Madame entendait !

À ce mot, Grandgoujon eut un « Ah ! » formidable.

— Mariette, pas de mélo ! Voici des mois que l’orage couve et n’éclate pas, précisément par égard pour Madame, de qui vous feriez mieux de ne rien dire.

Mariette se redressa :

— Pourquoi ?

Grandgoujon avait les yeux injectés de sang :

— Mariette, j’ai idée qu’aujourd’hui comptera dans votre vie, car d’ici quinze secondes vont rouler sur ma langue des mots décisifs.

— Ah ! Ah !… Maintenant que Madame n’est plus… Monsieur qui, il y a trois mois, devant Madame ; m’a donné sa photographie…

— Rendez-la !

— Monsieur veut me bazarder ?

— Je le crois ! J’aime les âmes qui sont bonnes, rugit Grandgoujon. Vous n’êtes pas bonne ; peut-être même n’avez-vous pas d’âme.

— Oh ! s’écria Mariette, moi qui soignais Madame avant qu’elle soye malade et qu’a même pas encore demandé ce qu’elle me laissait !