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GRANDGOUJON

— C’est humain… reprenait Monsieur Punais du ton le plus caressant. Cette guerre fut d’abord un magnifique élan ; mais elle est longue, et les instincts de l’homme ressuscitent…

En montant la rue de la Roquette, Monsieur Punais remarqua :

— Ce pauvre Grandgoujon a la tête nue… Avec ce soleil, on devrait lui dire…

Mais le cousin Poisson répondit, montrant une place :

— C’est là qu’on guillotinait.

On arriva au cimetière : la cloche de l’entrée annonça l’enterrement.

— Le peu de chose qu’est l’homme ! soupira Monsieur Punais. Quand on entre ici… c’est pour la vie !…

La nièce descendit d’une voiture de deuil, rouge de colère. Elle venait de faire le trajet avec Mariette, dans la seconde voiture ! On ne l’avait pas fait monter dans la première ! Des femmes qu’elle ne connaissait pas s’en étaient emparées sauvagement. Parmi ces femmes, il y avait Madame des Sablons. Elle la dévisagea, et d’une voix haute, levant rageusement son voile :

— Il ne faudrait pas croire la province inférieure à Paris !

Sur la tombe de sa tante, elle faillit s’évanouir en une crise de nerfs. Son morne mari la soutint, et amer, conseilla :

— C’est la guerre… Passons…

Grandgoujon avait entendu. Alors, dès qu’il eut serré toutes les mains, lui aussi il passa.