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GRANDGOUJON

Il se précipita dans l’appartement, éclata en sanglots, se roula au pied du lit, et cria :

— Maman ! Oh ! maman ! Toi qui m’aimais si fort ! Qu’est-ce qu’a la vie à nous poursuivre ainsi ?

Il n’y avait pas que la vie. La pauvre Madame Grandgoujon n’était pas froide, qu’un monsieur en redingote, gants noirs et cravate blanche, se présenta pour les pompes funèbres, et fit à Grandgoujon, hagard, le discours suivant :

— Monsieur, ce n’est pas à la légère que je franchis votre seuil, dans un moment si cruel. La vie sociale a ses exigences, même aux minutes des grandes douleurs. D’ailleurs, je viens alléger la vôtre… Madame votre mère a rejoint Monsieur votre père dans un monde plus clément, espérons-le. Je sais ce que fut le service de Monsieur votre père, simple et digne, et je vous propose, pour Madame votre mère, des obsèques semblables, qui seront le suprême hommage à sa vie, si parfaite.

— Oh ! Monsieur, s’écria Grandgoujon parmi de nouveaux sanglots, vous le dites sans l’avoir connue, mais si vous saviez…

— Monsieur, reprit dignement le personnage funéraire, je sais et sens le tragique de cette mort soudaine.

Il releva le menton à la manière des acteurs, qui dans l’adversité défient le sort. Grandgoujon essuya ses yeux, et, reconnaissant, dit d’une voix mouillée :

— Les vieillards, maintenant, tombent comme les soldats, d’un coup.