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GRANDGOUJON

Le jeune médecin donna des ordres pour une voiture.

— Que faire, docteur ? balbutiait Grandgoujon.

— La ramener chez elle, Monsieur. Je vais donner quelques conseils…

On ne trouvait aucune voiture. Il fallut héler une ambulance américaine qui passait. Au volant, une jeune femme parlait une langue que personne ne comprit. Mais voyant la malade, elle consentit volontiers à la prendre et à la déposer chez elle.

On coucha Madame Grandgoujon. Le médecin albinos lui fit une vague piqûre, posa des sinapismes qui furent sans effet, et se retira, ne laissant guère d’espoir à Grandgoujon.

Le pauvre ! Rien dans la vie, même ses amertumes, ne l’avait préparé à ce drame brutal. Et cette agonie d’abord le jeta dans le même effroi que la bataille, car, comme pour la guerre, il répéta :

— Enfin… comment ça se peut-il ?

Sa mère n’avait jamais eu que de légers malaises : il la regardait, stupide ; et la peur de la voir passer le clouait sur place. Personne, dans la famille, n’était mort de congestion. Elle tombait comme une femme empoisonnée. Il y avait de quoi devenir fou !

Puis, avec le temps… l’accoutumance changea son immobilité inutile en une lamentation inactive.

Moquerard, après l’avoir accompagné, était monté prévenir les Punais des Sablons, et Grandgoujon, seul, se trouvait la proie de Mariette, qui