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GRANDGOUJON

verroterie et s’époussetait les pieds d’un plumeau jaune serin, après chaque pas. Fatigué de la promenade à plat, il imagina, à la vue d’une table, une marche rotative. À ce meuble il s’accrocha donc des mains et des pieds, et la face illuminée de satisfaire un caprice de dément, il commença de se rouler autour de cette table, tombant avec elle, se relevant sans la quitter, maniaque obstiné, symbolique imbécile.

— Ah ! ça… ça alors, c’est prodigieux ! dit Grandgoujon, retrouvant de la gaîté.

Il se frotta les mains, regarda la salle, et en face, qui aperçut-il ? Moquerard, qui était avec une demoiselle, et, de loin, faisait des signes de bienvenue.

— Tiens, l’autre ! fit Grandgoujon. Ah ! ça ne m’étonne pas ! Il est dans son cadre !

Le clown venait de réaliser une chute retentissante et s’époussetait crâne et derrière.

— Celui-là est formidable ! dit Grandgoujon. Et regarde, ajouta-t-il pour sa mère, dans quel état est cet imbécile de Moquerard ; il se tord, ne se tient plus. Malheureusement, il est avec la petite…

— Qui donc ? dit Madame Grandgoujon.

— La sœur de Quinze-Grammes. Je regrette : on l’aurait fait venir ; il nous aurait dit des folies : il n’y a que ça qui me plaît !

— Mais, mon enfant, appelle-le, dit Madame Grandgoujon. À mon âge, on ne craint plus de se compromettre.

Le clown s’était mis à jouer de la flûte, et