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GRANDGOUJON

nouissent, telles ces fusées qui se dissocient en étoiles légères. Mais l’édification, elle, est douloureuse. Il y a des muscles tendus, un halètement, et ce spectacle répand, parmi le public, une admirative angoisse. Les spectateurs sont contractés comme les gymnastes. Un silence pèse sur l’assemblée immobile. On entend un roulement de tambour, qui veut dire : « Ne bougeons plus !… » La minute est solennelle. Parfois même, les victimes qui servent de matériaux, manquent ou font semblant de manquer la combinaison de leurs efforts. Elles laissent échapper une grimace de douleur.

— Ah ! s’écria Madame Grandgoujon, le grand s’est tordu le poignet !

— Pouh ! dit son fils.

— Si… il ne faut pas qu’il recommence… Que quelqu’un lui dise… Il s’est fait mal… Moi, je ne regarde plus…

Grandgoujon reprit simplement :

— Qu’est-ce que tu dirais dans les tranchées ?

Mais la gymnastique fut terminée bientôt, et laissa place à la clownerie. Celle-ci fut nombreuse et diverse, et Grangoujon commença de s’épanouir.

D’ailleurs, il sembla qu’ayec cette gaîté, gloussements et pirouettes, la salle devenait plus brillante. Tout y luisait mieux, les casques des pompiers, le cuivre du pourtour, les chevaux dorés qui surmontaient les loges.

Un clown à tête de crétin occupa d’abord la piste. Il avait le cou et les épaules chargés de