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GRANDGOUJON

genre-là. Oui ou non avez-vous une feuille ? Eh bien, vous allez repasser la visite.

— La vi…?

— Parbleu ! Vous pouvez me rapporter la gale de là-bas !

Cette fois, la suffocation de Grandgoujon ne dura qu’une seconde : il était rompu à tout. Il repassa la visite. Elle fut brève.

Le major dit :

— C’est vous que j’ai envoyé au Val ?

— Oui, répondit Grandgoujon d’une voix éteinte.

— Et on vous renvoie ? Cas chronique. Ça va. Indisponible.

La fatalité. Indisponible !… Dans son amertume, Grandgoujon eut un ricanement.

Mais sa mère, elle, comme à l’habitude, était depuis la veille aux abois, éplorée et frémissante, — se confiant à Dieu et n’espérant plus rien, disant à tous les échos qu’on lui avait repris son fils, qu’il était au feu, peut-être déjà tué, enfin bien émue et touchante jusque dans ses ridicules.

Son fils de retour, ce fut un coup nouveau dont elle demeura, d’abord, confondue, car elle non plus ne comprit pas le pourquoi de ces choses qui étaient sans raison. Mais elle ne conçut aucune colère, car son fils n’en montrait plus. Il flottait dans sa capote ; et il était trop déprimé pour se servir même de sa phrase sur les bourreurs de crâne… Seule, celle des bouchons ne lui quittait pas l’esprit :