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GRANDGOUJON

ayant l’air, avec son pied, de repasser les dessins du tapis, déclara modestement :

— Donne-le.

— Quoi, s’écria Colomb, à vous ?

— À moins que tu n’aies peur, reprit-il, de mes idées subversives.

— Ah ! brave ami ! fit Colomb, qui s’élança pour une accolade.

— Voyez ! Voyez comme il est ! balbutiait Madame Grandgoujon, les yeux humides déjà.

— Je l’ai deviné, dit Colomb. Je savais son cœur inemployé. Merci.

— Inemployé ? Oh ! marmonna Grandgoujon, lui-même ému, j’ai déjà un chat et un oiseau…

— Oui, dit Colomb qui riait, je vous ai même vu rapporter votre chat. Il m’a enlevé la moitié de la main. Comment va-t-il ?

— Mal. Il a la diarrhée ; ce sont les offensives : mais il ira mieux dans huit ou dix ans, avec la fin de la guerre, et d’abord il amusera le gosse… Alors, ce gosse ?

Il se frotta les mains :

— Je lui enseignerai le dégoût des phrases.

— Parbleu ! dit Colomb joyeux, ils ne se parleront que par signes.

— Mon vieux, reprit Grandgoujon, il écoutera et jugera.

— À huit ans ? Car il n’a que huit ans…

— Il ne tardera pas d’en avoir quinze… Mais est-il bien choisi ?

— Originaire de Roubaix, il a été évacué à Châlons et va arriver à Paris.