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GRANDGOUJON

Lisez, mon ami ! Tout cela représente de la charité, de l’ingéniosité, de l’action !

— Oui, toi encore… concéda Grandgoujon.

Mais Colomb était lancé :

— Moi je n’ai pas parlé, j’ai fait chanter ! Chanter c’est de l’action. Et qui ai-je fait chanter ? Des enfants rapatriés. Les rapatriés, hélas ! c’est encore de l’action. Ah ! mon cher, je ne comprends que trop votre besoin d’activité, et derrière votre humeur, je ne sens que trop vos tendances généreuses…

— Prends garde ! interrompit Grandgoujon. Tu vas parler comme l’autre et ne plus pouvoir t’arrêter !

— Grandgoujon, je vous devine : il vous manque un but dans la vie… Voulez-vous être des nôtres ?

— Pour parler ?

— Pour agir ! Grandgoujon, connaissez-vous seulement une âme sensible qui voudrait se charger d’un de ces pauvres petits ?

Il avait été droit au but, mais il s’arrêta court. Alors, Grandgoujon le regarda longuement. Il souffla deux ou trois fois ; puis dit :

— Ça… ça c’est autre chose ! Ça c’est un fait… ou ça en à l’air… As-tu positivement un gosse à caser ?

— J’en ai un ! déclara Colomb, la main tendue.

Grandgoujon se leva. Il mâchonnait sa pipe. Il fit quelques pas. Sa mère, attendrie, dit tout bas à Colomb :

— Il va trouver quelqu’un.

Et tout à coup Grandgoujon, mains au dos,