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GRANDGOUJON

Grandgoujon revint, désenchante. Sa mère eut beau dire :

— Mais si c’est vrai que tu es libéré !

Il ne pouvait comprendre cette façon « militaire » de recevoir les citoyens ; puis, si sa classe était renvoyée, on avait dû la convoquer d’abord. Alors, lui ?

La réponse vint au bout de quarante-huit heures, sous la forme d’un papier gras au toucher, où il lut l’ordre de se rendre au bastion N pour servir comme auxiliaire dans une section de Secrétaires d’état-major.

— Tu vois ! fit-il triomphant, il s’est fichu de moi !

Et cette idée lui vint que ce sous-off n’était qu’un fumiste, un pince-sans-rire, un rigolo. Il l’avait traité comme un bleu !

— Ah ! Ah ! Et il parlait sans broncher ! Il doit être prodigieux ce type-là ! Madame ma mère ?

— Poulot ?

(Poulot était son surnom, quoiqu’il s’appelât Amédée.)

— Il faut que je me paye un képi !

— Ils t’en donneront un.

— Jamais ils n’auront ma pointure. Tu m’as fait une tête énorme et géniale !

Toute la journée il fut folâtre. Il emmena Madame Grandgoujon au cinéma et il rapporta un képi empesé en drap soyeux, comme pour un général.

Au bastion, le lendemain, quand il aborda son