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GRANDGOUJON

Puis il passa, commun, pesant et important. D’autorité il emplit le dernier fauteuil sur l’estrade.

Et Grandgoujon s’asseyait à peine, près de la porte, quand il vit se dresser la silhouette fantasque de Moquerard, qui lança :

— L’as-tu vue ?

— Qui ?

— Elle, parbleu ! Penses-tu que je vienne pour son époux ? Ah ! je l’aperçois !… Mais elle à l’air très en forme ! Elle est avec une donzelle : qui donc ?

— Est-ce que je sais ! fit Grandgoujon bourru.

— Eh bien ! demande, parbleu !… À propos, tu es content ? Tu ne geins plus ? Je n’ai pas été long à te faire rayer de l’auguste troupe des convoyeurs. J’ai subjugué ton lieutenant : ce pauvre d’esprit ne me refuse rien.

— Le lieutenant ? Mais… dit Grandgoujon.

— Il faudra le remercier, reprit Moquerard sur un ton aigu. Invite-le à dîner et paie-lui des vins de ma part.

Puis, lorgnant la salle :

— On se croirait au paradis de Mahomet : c’est plein de femmes suaves !

Il tendait le cou, plastronnait, caressait sa barbe. Tout à coup, il s’effondra près de Grandgoujon :

— Je suis excité !

— Hélas ! il y a la guerre, prononça Grandgoujon sur un de ces tons de justicier qu’il affectionnait maintenant.