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GRANDGOUJON

— Je la connais aussi, et remarque qu’elle-même m’a parlé de lui. Alors… alors, si ce que tu penses était, elle ne m’aurait pas parlé de lui.

— Est-ce qu’on sait ? fit Grandgoujon.

Tout de même, il était ébranlé. Il hocha la tête. Puis il commença ses œufs, et la bouche pleine :

— Je ne comprends plus rien à rien…

— Allons, allons, fit Madame Grandgoujon, s’asseyant près de lui.

— Partout je n’ai vu que des gendarmes, des commissaires et des officiers bouchés à la colle forte ! Incohérence et inconscience. Alors, je n’ai plus quarante ans, j’en ai cent !… Et une soif… comme chaque fois que je me fais de la bile !… Nous avions ici un petit malaga… Il n’y en a plus ? Parfait !… Tout va pour le mieux… Et ça n’empêchera même pas la terre de continuer à tourner, l’imbécile, sans savoir pourquoi…

— Mais au-dessus de cette terre, soupira Madame Grandgoujon, il y a les vérités de la religion.

— Et en dessous de faux religieux !

— Poulot !

— Je ne vois qu’une vérité : les poilus, là-bas, sont des saints, et il faut se mettre à genoux devant !

Il avait un ton sincère et enflammé. Puis il but, et pour lui faire plaisir, Madame Grandgoujon s’écria :

— Tu parles comme Monsieur Colomb !

Ah ! il faillit s’étrangler :