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GRANDGOUJON

débarrasser : j’en tue un, à dix ils viennent à l’enterrement.

Il respirait la belle humeur. Grandgoujon pensa : « Il est prodigieux ! » Et il tint alors à s’expliquer :

— Je vous jure… qu’il y a un règlement.

— Connais pas cette bête-là !… fit gaiement Laboulbène.

De ses deux mains il peignait sa barbe.

— Le mariage, est-ce un règlement ? Es-tu marié ?

— Je suis veuf, soupira Grandgoujon.

— Ah ! Ah ! Et moi, cocu, donc insensible aux règlements.

À ces mots on entendit une explosion prolongée, dont il sembla que le vent apportait exprès la résonance.

— Bigre ! fit Grandgoujon, ça se rapproche !

Laboulbène haussa les épaules.

— C’est toi, sacré bougre, qui te rapproches. À quoi te sert ta boîte crânienne ?

— Comment ?…

— Tu raisonnes comme une langouste, qui serait la proie de ses yeux. Mais, invente, sacré Jocrisse ! Imagine, pense à autre chose !

— À autre chose ? bredouilla Grandgoujon, dont la sueur voilait les yeux.

— Ma vieille, dit l’homme du Midi, d’un air souverain et détaché, c’est le bienfait de la guerre : on peut rêver !

Il fit une tête poétique de ténor.