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GRANDGOUJON

Sans répondre, Laboulbène montra qu’il avait compris. Il fit signe à Grandgoujon de le suivre. C’était un gaillard. Malgré son effarement, Grandgoujon le trouva grand comme la guerre. Il était sanglé de musettes pansues, avait d’épais mollets, un buste puissant, bourrelé de muscles qui saillaient dans une capote étriquée, et sa tête rappelait celle de l’homme biblique « fait à l’image de Dieu ». Visage tanné, brun comme la terre, des yeux couleur du ciel, une barbe en dure broussaille, élargissant son mâle visage. Et lorsqu’ils furent à cinquante mètres, d’une voix méridionale, où il y avait du chant, de la danse et des castagnettes, il dit à Grandgoujon :

— Petit ! Ce n’est pas bien élevé ce que tu as fait là !

— Plaît-il ? bredouilla l’autre, qui suait à grosses gouttes.

— Le courage s’imite, quand n’en a pas.

Il le regarda avec condescendance : — « Gros comme te voilà… tu es bien fort pourtant ! »

Puis, il reprit :

— Tu n’as jamais été au feu ? Mais tu n’es jamais mort non plus ? Et ça viendra, pas vrai ?

Là-dessus, il appela :

— Croqueboche !

Un chien accourut, barbet crotté, aux yeux luisants.

— Arrière ! ordonna Laboulbène. Je n’aime pas les puces !

Il regardait Grandgoujon.

— Suffit d’avoir des poux. Pas mèche de s’en