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GRANDGOUJON

— Oh ! Où ?

— À Nancy.

Mais il était si aplati qu’il ne fut pas brillant dans la description. Il dit :

— C’est tombé près de l’hôtel… j’ai cru que c’était sur l’hôtel… seulement, on est descendu… Ma pauvre mère, quelle nuit d’hôtel !…

Madame Grandgoujon répliqua, avec une figure éclairée :

— Le bon Dieu nous protège : il ne cesse de t’arriver des malheurs dont tu te tires toujours. À trois ans, tu as failli mourir de la rougeole ; à huit ans, tu as mis le feu aux rideaux de ton lit, mais ton pauvre père est accouru ; à vingt-cinq ans tu as été dans une voiture emballée ; il y a six mois, notre poêle a failli t’asphyxier…

— Il ne faut pas se réjouir encore, dit Grandgoujon. Je rentre abruti, toutes les côtelettes rompues, mais je repars.

— Vrai ?… Poulot !… J’ai parlé de toi avec Madame Creveau ; elle pleurait ; elle m’a dit : « Mon mari est un égaré ! Si vous voulez que moi-même j’aille trouver le ministre… »

— Je la vois chez le ministre !… soupira Grandgoujon… En attendant, je n’en peux plus… Je n’ai que quarante ans, et suis un homme fini.

Sa mère reprit :

— Monsieur Colomb va s’occuper de ton cas. Et lui m’inspire confiance ! Tu as remarqué : il n’achève jamais sa pensée ; toujours une idée de derrière la tête. Je l’ai vu hier soir chez Madame des Sablons…