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GRANDGOUJON

— Bonjour, Monsieur… Pardon…

Et ils entrèrent.

— D’abord, annonça Chabrelot, on va croûter. T’as à croûter ?

— Non, dit Grandgoujon navré, c’est la première fois que je fais ce truc-là…

— Sans blague ?

De ses jambes écartées, Chabrelot emplissait la cahute.

— Alors, dit-il, t’es pas fâché d’rencontrer Chabrelot ? Mais avec Chabrelot, j’te répète : t’en fais pas !

— Ça, je sais, redit Grandgoujon.

— Fouille au-dedans d’ma musette. Sens-tu un paquet mou ? Tire et sers-toi : c’est du rosbif à ma femme, qui r’ssembe pas à la barbaque au Gouvernement, parce que j’peux pas l’encaisser leur sale viande qu’ils nous donnent… Ça, tu vas voir, c’est cuisiné : on sent la bourgeoise. Sers-toi… pas de façons… Seulement, on aurait pas des sous, qu’est-ce qu’on d’viendrait ?

Il s’était mis à mastiquer d’une furieuse façon, pestant mais content, et le vieil aiguilleur approuvait :

— Sûr, çui qu’aurait pas des sous…

Puis Chabrelot s’étira, et passa sa langue sur ses dents :

— On est lesté : maintenant ça peut !

Après quoi, à son tour, il vint à la musette :

— Bon sang d’bonsoir !… Qu’est-ce t’as donc pris ?

Grandgoujon avait sorti la viande du Gouver-