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GRANDGOUJON

— Vous ne le connaissez pas ; mais vous êtes pistonné !

Sa voix devint aiguë :

— Et, à nous on expédie une note, comme quoi « Monsieur » Grandgoujon désire aller au front ! Engagement volontaire, dont on nous souligne la valeur, comme si tous, nous n’avions pas fait notre devoir.

— Oh ! mon lieutenant !…

— Pas d’explications : apprenez seulement que ces avertissements, même ministériels, nous laissent froids.

Sans se départir de sa naturelle élégance, il devint sec :

— Prenez papier et girouette. Signez. Et retirez-vous !… J’oubliais : comme convoyeur vous avez quatre francs par jour pour votre nourriture. Coucher ? Vous coucherez dans les wagons ou sous les wagons, à votre choix. Enfin, quand vous aurez fini d’inspecter le front pour le ministère, vous me rapporterez cette feuille avec le timbre de l’unité qui aura eu le privilège de recevoir votre marchandise, et vous rentrerez par les moyens les plus rapides, si vous ne tenez pas à être fourré en prison sur mon ordre.

Pour ces derniers mots, son ton s’était à dessein radouci ; et il sourit agréablement.

Grandgoujon était au garde à vous.

— Filez, fit le jeune officier : vous devriez être à Noisy !

Grandgoujon sortit à reculons, si troublé qu’il ne pensa même pas à revoir Quinze-Grammes ; il