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GRANDGOUJON

— Ça ne prouve pas que la France…

— La France !…

Ce fut au tour de Grandgoujon de croiser les bras, puis furieusement :

— La pauvre France, mais tiens, tiens, mon vieux, regarde ma capote, et la gueule que j’ai !… Il y a une glace à cette boutique : viens me contempler de près. À quarante ans, être nippé comme je suis !

Colomb, important, haussa les épaules :

— Quel rapport a la capote avec le salut du pays ?

— Le rapport ?… bredouilla Grandgoujon qui, au lieu de caresser le chat, lui pétrissait la tête. Le rapport ? répéta Grandgoujon, qui, en fait, ne se sentait capable d’aucun raisonnement, en proie à une vague mais considérable amertume, — ah ! le rapport ! clama-t-il une troisième fois en devenant apoplectique, eh bien, il est possible qu’il n’y en ait aucun… mais on commence à me courir sur l’haricot ! Et si je n’étais pas sous ce déguisement… et si ce n’était pas la guerre… je te jure, mon vieux, que je planterais tout là !