Grandgoujon sourit largement, heureux de voir s’ébaucher une possibilité de salut.
— File ! ordonna Moquerard.
— Tu es un type énorme ! dit Grandgoujon.
— Pas de phrases ! dit Moquerard.
Il se tourna vers la jeune femme :
— Si Monsieur Punais était là — et que Dieu le garde où qu’il soit ! — il te dirait : « Jeune homme, parlez, mais pas de phrases ! » Moi, je n’ai rien dit, quand j’ai fait exploser mon officier boche.
Et sur ces mots valeureux, regardant avec insistance Madame des Sablons :
— Laisse-moi raconter à cette femme charmante la désopilante histoire qui faillit faire mourir d’horreur Madame Grandgoujon.
L’autre essaya encore de rire, et descendit dîner avec sa mère qui le guettait sur le palier :
— Ton potage va être froid.
— Que veux-tu, cria-t-il alors en rageant, c’est la guerre ! Cochonnerie de cochonsté ! Mais… fit-il en dépliant sa serviette, je vais me défendre !
Sa colère montait :
— On n’est pas grand’chose, on flotte, on est des bouchons. Tout bouchon qu’on soit…
Il menaçait. Madame Grandgoujon risqua :
— C’est vrai que…
— Oh ! Puis je suis auxiliaire ! lança-t-il en s’asseyant. Si j’étais service armé…
Il éternua. Sa mère en profita pour dire :
— As-tu assez de potage ?