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GRANDGOUJON

— Au sujet que si on ne veut pas se servir de moi, je crèverai à la caserne !

— Pourquoi ? dit Moquerard, affectant la candeur. Tu n’aimes pas la caserne ?

— Et il n’y a pas que moi !

— Qu’est-ce qu’on t’y fait ?

— On me traite comme un chien.

— Mais c’est ce qui est charmant. Tu n’aimes pas la bêtise, toi ? dit Moquerard. Moi, je me régale de la bêtise ! Et vous, Madame ? Un sous-off alcoolisé, qui n’expectore que des ordures, je trouve ça historique et satisfaisant ! Je ne m’hypnotise pas sur des contingences, comme disait mon professeur de philosophie, qui avait cent deux ans et était une bourrique. Ce sont des militaires puants qui ont fait la France telle qu’elle est : ce n’est pas Voltaire ni Pascal. L’Université se met le doigt dans l’œil jusques au coude. Et les provinces ne sont jamais conquises par des intellectuels dyspeptiques, mais par des soudards qui cognent, qui gueulent et qui rotent !

Grandgoujon, après cette tirade, resta coi, puis grogna :

— C’est possible… mais tuer toute une journée en faisant les cent pas, ses pieds devant, ses talons derrière : il vaut mieux la prison, la cellule ! Et si on m’en tire, évidemment ma concierge dira que je suis embusqué…

— Ça, dit Moquerard, me déciderait à agir pour toi ! Que demandes-tu ?

— Je veux être utile !

— Ça, dit Moquerard, ce n’est pas français !