Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
GRANDGOUJON

dessus, et de faire, la nuit, du bruit avec vos pieds ?

— Pas même, dit Grandgoujon, emporté par un bon rire. Sa femme est si gentille !

— Vaut-elle Nini, l’actuelle victime de mes ardeurs ? demanda Moquerard.

— Ça… dit Grandgoujon, Mademoiselle est charmante…

— D’ailleurs, reprit Moquerard, je serais ravi que la femme de cette tourte fût exquise, car en ce cas…

Il s’agitait sur sa chaise, roulant des yeux de faune.

— Ces Messieurs me comprennent ! Il n’y a que Nini qui ne comprend pas, et elle a raison, cette enfant.

Il regarda Grandgoujon.

— Avez-vous déjà entendu parler le mari ?

— Jamais.

— Eh bien… c’est un homme qui, même s’il traite de la conquête du Cameroun par les Alliés, a encore l’air de confier à son public : « Mesdames, Messieurs, n’ai-je pas une mémorable tête de cocu ? » Le public, au lieu de suivre l’exposé sur la conquête du Cameroun par les Alliés, s’excite, regarde à droite, à gauche, si la spirituelle épouse est présente, et comme elle n’est jamais là, chacun se chante à soi-même : « Ça y est ! Ça y est ! En cette minute il est cocu ! » Puis, tout le monde d’applaudir frénétiquement — et lui, vieillard exquis, croit que c’est pour le Cameroun et les Alliés !