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GRANDGOUJON

— Monsieur, continua-t-il, je viens de vivre une journée terrible, mais grâce à vous, j’ai ri ! Quinze-Grammes m’a montré votre article étourdissant !

— Oh !… un essai, dit Moquerard, ayant l’air de s’évanouir de modestie.

Mais il devint infernal :

— Je voudrais voir guillotiner une concierge !

— Ah ! ah !

Joie de tout le monde. Grandgoujon tapa la table :

— Moi, je vous dis : « Vous êtes un écrivain ! »

— Pour sûr, reprit lentement Nini.

— Et elle, fit Moquerard, que dire d’elle ? Détaillez-moi cette petite trompette Louis XV. Ouvre ta bouche, Nini. Regardez, cher avocat, la rangée des quenottes : une petite gueule de chat. C’est à la fois sympathique et inquiétant. Ferme ton bec, mon chou : Monsieur a vu et il baigne dans l’admiration.

— Monsieur en oublie surtout la caserne, dit Grandgoujon convaincu.

Puis, respectueux, il demanda :

— Alors vous, mon lieutenant, vous êtes battu ?

— J’eus cette félicité, ronronna Moquerard.

— Et… vous avez été blessé ?

— Même que ce fut extrêmement rigolo. Moi, j’aime la guerre.

— Vous aimez ? Comment cela ? dit Grandgoujon.

— J’aime ! — Aimer — le verbe de la première conjugaison.