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GRANDGOUJON

Il eut un bon rire.

— Voilà Nini ! cria l’autre. Hep ! hep ! Nini ! Enfant de mon cœur, fleur de mon âme, volupté de mes prunelles, approche, accours, viens sur mon sein !

Moquerard agitait les bras et faisait claquer sa langue.

Femme blondinette et trottinante, avec cet aspect de poupée qu’ont presque toutes celles qu’on appelle les « petites femmes » de Paris, créatures pimpantes et banales de cette grande ville, car leurs gestes ont de la grâce et leurs traits sont aimables, mais rien, dans leur élégance facile, ne les distingue les unes des autres, — Mademoiselle Nini s’en venait sur de petits pieds haut perchés, ayant une frimousse chiffonnée et la tournure drôle.

— Venez, amour, redit tout haut Moquerard, sans se soucier des clients qui regardaient, donnez vos pattes et saluez ces Messieurs, d’abord le frère que le ciel vous donna, puis cet homme débonnaire et qui est avocat… oh ! ça rime !

Pendant que Grandgoujon riait, il fit asseoir Nini, lui prit la taille, et en bêlant d’un ton de vieille demoiselle :

— Ange du ciel, n’aimez-vous pas les avocats ? Avec les journalistes de ma sainte espèce, ces Messieurs, mon enfant, sont les représentants du bon Dieu sur la terre.

Nini fut, à ces mots, secouée d’un petit rire plaisant ou niais, selon les principes qu’on donne à ses jugements, et Moquerard dit :