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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

chefs-d’œuvre… Et on m’a apporté un caparaçonnage magnifique… Vraiment, j’étais beau à mon entrée en scène !… Mais… j’ai cru n’en jamais sortir ! J’avais lancé jusqu’au fond de la troisième galerie ma tirade des portraits. Un triomphe ! Quand tout à coup… j’ai senti que j’éclatais !… Emprisonné dans ce vêtement d’apparat, qui était pour un figurant muet, j’avais dépassé mes forces !… J’étais écrasé. Je me suis dit : « Pourrai-je achever ? » Oui ! Je me suis raidi ; j’ai pu ! Mais, je suis remonté dans ma loge en hurlant : « Arrachez-moi ça ! Délivrez-moi, nom de Dieu ! » Et on a été obligé de me fendre mon habit du haut en bas !

— Quelle nature ! soupire la cantatrice.

— Oh !… murmure le garçon, qui attend, planté, la serviette sous le bras.

— Que voulez-vous, dit le Sociétaire modeste (il s’adresse autant au garçon qu’à la cantatrice), je crois à ce que je fais.

Il se sert amplement de la moutarde :