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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Une heure après, il est à table ; nous sommes seuls. Il dit au garçon :

— Personne n’est là ? Je m’en fous. Servez.

Le garçon s’incline, bredouille et casse un verre en se tournant.

— Qu’est-ce qu’il a celui-là encore ? dit Antoine. Il ne fait plus que des boulettes. Est-il amoureux comme les autres ?

Je raconte alors ce que je sais. Ce garçon, ce timide et charmant garçon, qui sert à table et nettoie les chambres, qui apporte les entremets après avoir vidé les seaux de toilette, cet humble dont l’habit, par la constellation des taches, indique au moins la variété des travaux, ce laborieux qu’Antoine rabroue, est… un auteur dramatique, qui en servant, quand il entend parler théâtre, est obligé de faire effort, pour ne pas crier : « Moi aussi, m’sieur Antoine, j’en fais ! »

— Pauvre type ! dit Antoine en m’écoutant, je voyais bien qu’il était marteau !… Mais alors, il