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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

des forces de la Nature répandues sur cette plaine inculte, et si belle. Ah ! il est loin de se demander, comme le régisseur, où commence la tartarinade, où elle finit, si le marquis est un farceur, lequel des deux roule l’autre. Il tient entre ses mains une chose splendide, qu’il vient de faire naître. La poésie l’assiste ; elle l’inspire ; il la suit, la talonne, l’étreint, et chacune de ses phrases, chaque juron, chaque éclat, c’est une déclaration passionnée qu’il lui fait.

Le marquis soigne et ménage ses chevaux pour l’amour de sa province. Antoine les ferait crever pour son film. Ils créent de la beauté, tous les deux. En cette minute passagère, où ils se sont heurtés violemment, ils n’ont eu l’un pour l’autre que de la colère ; et pourtant, je songe qu’ensemble ils embellissent la vie, la légende et la vérité.

— On dit toujours vaguement « la Provence », remarquait Antoine, au cours du déjeuner. Dites-nous, monsieur le marquis, où est donc le cœur de cette Provence ?