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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Il tire sa tabatière et offre au marquis.

— Oh ! merci…, dit ce dernier, fiévreux, en regardant la route. C’est qu’un cheval, ça ne se fabrique pas en deux jours. Ils ne savent pas ce que c’est qu’un cheval !

— Mais si !…

— Eh ! non !

— Ah ! mon Dieu ! dit encore l’apaisant régisseur, qui se met une cuiller de tabac dans les narines.

— Voyez ! fait le marquis, il galope… Il suit l’auto ! Un cheval, ce n’est pas fait pour galoper !… Tenez, on ne les voit plus… Ils vont me le crever !

À cette minute, je regarde bien le marquis, et je le comprends : la passion parle, sans fard, ni précaution ; il est tout lui-même : il n’est plus ni prudent, ni méfiant, ni aimable.

— C’est que, dit-il, fronçant les sourcils, ramassé sur son inquiétude, — je connais ces petits chevaux-là. Ce sont des bêtes nobles et d’un sang