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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

la bouche mince, aux narines volontaires, aux prunelles décidées, s’émeut pour la centième fois de ces histoires, contées sans gestes ni phrases, et qui sont la nourriture choisie et mesurée de son esprit.

Quand Antoine se lève de table, il dit :

— Étonnant, marquis, votre déjeuner !…

— Oh ! Monsieur Antoine, ce sacré coq…

Il répète avec brusquerie :

— Je vous dis : étonnant !… Et maintenant, au travail ! Car nous sommes venus pour tourner l’Arlésienne.

Nous mettons le nez dehors.

— Voilà du vent et des couleurs… Ça va être dix fois plus beau !… Monsieur le marquis, votre plaine en friche, quand nous sommes arrivés, ressemblait aux terrains vagues de la Garenne-Bezons. Maintenant, ces saloperies de petites plantes vertes, sous la brise de mer, deviennent roses ! Dieu, que c’est beau ! Mais je bavarde… Monsieur le marquis, en attendant de vous voir opérer dans vos fêtes provençales, il nous faut aujourd’hui, tout