gardée par un de mes amis. On vient de loin, chez lui, pour la voir.
Une minute, il s’attarde à ce souvenir, puis reprend :
— J’avais un autre beau taureau. Il s’appelait Mithra. Il est mort cette année, à la même date.
— Ça, c’est inouï ! dit Antoine.
— Est-ce une offre des génies du sol, fait le marquis, aux mânes du grand Mistral ?
— Mystère ! susurre le régisseur.
Et il regarde la jeune fille.
Elle lui passe les plats d’une main agile et jolie. Elle est ardente et fine. Et sa jeunesse — ô merveille ! — donne une note de vieille latinité à ce repas, où chaque plat provençal s’accompagne d’un récit sur le pays, ses bêtes et ses gens. On la sent fière, quoique timide. Elle parle peu : il y a de la ferveur dans ses paroles. Et tandis que le régisseur, cervelle théâtrale, se dit en face du marquis : « Tartarin !… Tartarin ! », cette jeune fille, aux épaules étroites, à la tête petite, à