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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

est vraisemblablement un reste du culte de Mithra… culte pas plus absurde qu’un autre…

— Absurde ? dit Antoine. C’est épatant !…

— N’est-ce pas, poursuit le marquis, nous sommes entourés de tels mystères !… Ainsi, moi, ma manade, mon troupeau, est frappé à chaque anniversaire de Mistral, à qui la Provence doit sa résurrection légendaire, poétique, morale.

— Comment ça ? demande Antoine.

Il y a un silence. Le régisseur est immobile. Le marquis ne sourit plus.

— Monsieur Antoine, j’avais un taureau superbe ; il s’appelait justement Provence. Il a été tué le jour de la fête de Mistral dans un combat d’amour.

Il a dit ces mots « combat d’amour » sans emphase, en homme pour qui la passion est une des heures normales de la vie ; mais la jeune fille, sans baisser les yeux, a comme une onde qui court sur son visage.

— La tête de Provence, dit le marquis, fut