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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

pas les légendes qui s’y dressent partout devant la mémoire. Tout à coup, Antoine voit l’envol d un flamant rose. Il se tourne, montre l’horizon, et, comme on ne distingue plus rien :

— Ah ! le salaud !

Le Sociétaire a ri :

— Les visions du patron !

Peut-il y avoir quoi que ce soit dans cette campagne en friche ? Et, parlant, il ne voit même pas qu’on arrive aux Saintes-Marie-de-la-Mer, dont les maisons et l’église, entre la terre et le ciel, font une liaison inattendue. C’est là que Mireille est morte, frappée par le soleil. C’est le lieu des légendes, des débarquements magnifiques, des voix célestes mêlées aux plaintes humaines. Elles sont bien modestes, pourtant, ces Saintes-Maries, car on approche et elles s’élèvent à peine ; mais le vent du large nous pousse une bouffée d’air salin où s’éveille toute l’histoire du merveilleux village, et Antoine, ravi, jette un triomphant :

— Nom de Dieu !