me redressant que j’arrive chez un des contemporains
les plus magnifiques.
Cette pauvre humanité n’est pas riche en types singuliers. La plupart appartiennent à des genres qu’on reconnaît au premier coup d’œil. La vie sociale a trop brimé la bonne nature : elle ne fait plus guère que de la confection en séries. Aussi, quelle chance, quand on rencontre, comme dans les livres d’histoire, une figure qui se détache, s’impose et dit : « Je suis moi ; il n’y a que mon nom qui puisse me désigner. » C’est le destin d’Antoine.
La surprise qu’il procure est un trait de bien des génies. Au Jugement Dernier, ils sembleront une foule ; on ne les distinguera plus ; la Terre aura tourné si longtemps. Mais durant cette courte existence nos yeux mortels en connaissent peu ; notre misère, rien qu’à leur vue, prend de la fierté ; et c’est pourquoi je suis heureux, lorsque le dimanche je vois Antoine, un des grands hommes de mon époque.