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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Ça va être la grande journée, continue joyeusement Antoine. En voiture et en route !

Mais… un Sociétaire du Théâtre-Français ne monte pas en auto sans prendre d’abord la pose d’Œdipe sur les degrés de son palais, parlant au peuple de Thèbes ; puis d’une voix emphatique :

— Où est mon manteau ? Ai-je mes fards Qui veut bien tenir ma barbe ?

Antoine le pousse :

— Foutez-vous là, mon vieux, sur le strapontin !

Il obéit, et, sitôt assis, admirant Antoine qui s’agite, il dit d’une voix de torrent grossi par les pluies :

— Quel phénomène !… et quel génie !… C’est le Napoléon du théâtre !

Mitifio est monté. La dame de bien qui va jouer l’Arlésienne est montée. Le régisseur, souriant, dit : « Montons ! Montons ! » Antoine s’installe près du chauffeur :

— Direction : la Camargue !