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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Bonjour, mon vieux, murmure Antoine, le nez dans son café au lait. Vous descendez du train ? Bon voyage ? Paris, toujours à sa plaçe ? Et à la Comédie, on joue toujours comme mes savates ?

— Ah ! ah ! s’esclaffe le Sociétaire. Le patron n’a pas changé !

Le Sociétaire a de la grandiloquence jusque dans la forme de son corps. Son beau torse paraît toujours gonflé d’un discours pathétique. Il ne parle qu’une jambe en avant, tel le chevalier d’un tableau de genre, et ses sourcils se froncent dès qu’une ombre s’étend sur ses pensées.

Antoine, qui ne le regarde pas, ne l’écoute pas davantage,

— Patron, j’ai fait choix d’une barbe, annonce le Sociétaire.

— Ce matin, nous filons en Camargue ! dit Antoine.

— J’espère qu’elle conviendra, soupire avec solennité le Sociétaire.