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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

dans la chaleur, de cette cité si vieille, sage et dorée, mettait un frein chaque fois à son cruel amour ; alors, il s’en retournait au pas en songeant à Vivette, et dans l’odeur du soir, qui montait de toutes les herbes grillées sur les vieux rocs, il arrivait au mas qu’Antoine cherche aujourd’hui.

Antoine le cherche, le trouve, s’enchante, car son âme de vieux Parisien sent au vif ce pays latin. Quand au bout d’un chemin creux il découvrit ce mas avec des fleurs, un paon, dans la cour un mûrier, ses yeux eurent une flamme de l’âge de son plaisir. Pendant tout le retour il ne parla plus ; il rêvait à Daudet, et en sa compagnie imaginait les scènes dont il nous animerait cette maison, simple et noble, de qui le vieux toit, de loin, se découpe sur les Alpilles.

Le régisseur attendait, quand l’auto devant l’hôtel s’arrêta. Mais Antoine fit un signe :

— Veux rien entendre… Vais me f… au lit !

Il ne voulait pas lâcher sa rêverie délicieuse.

— Patron, rien qu’un mot. J’ai trouvé un type