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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

mande, on peut fournir un film, parfaitement écœurant. J’ai l’œil neuf : quel danger ! J’arrive avec le seul désir de réaliser une belle chose : quel scandale !

Antoine prend des papiers sur la table et me les tend :

— Jetez les yeux là-dessus, mon vieux, vous allez comprendre. C’est un scénario que j’ai eu la folie de composer en ne pensant qu’à lui. Depuis quinze jours je relis Daudet ! Positivement, ils ont raison de dire tout bas que je suis timbré. Ils le disent tout bas ; à Arles, ils le crieront !

Et à cette idée, il part de rire, puis, s’asseyant, la cigarette au coin de la lèvre, il lâche avec une joyeuse tranquillité :

— Quels salauds !…

Le temps de rêver à cette définition, il reprend :

— Là-bas, d’abord, je vais tuer l’opérateur… Le tuer ! Vous allez voir ce type-là maigrir, dépérir et finalement crever !

Je demande : « Qui est-ce ? »