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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

famille provençale par une ferme où tout est beauté, sérénité, travail ; là, la brutalité d’un gardien de chevaux, par des courses éperdues dans le vent des marais. Grand Antoine ! Tout à son art, il ne songea pas à l’affreux effet qu’allaient faire ces images animées de son élan d’artiste sur messieurs V… et Z… qui exploitaient la firme ! Ah ! cette panique ! Ils murmurèrent dans le désespoir : « Il ne connaît rien au public !… »

Si. Seulement, toute sa vie, au lieu de le laisser croupir, il a essayé de le mener. C’était encore son dessein en tournant l’Arlésienne.

— Allons, allons, le public dormira ! Le public aime voir les personnages de près. Le public aime les grosses têtes. Il faut des grosses têtes !

C’est le chef de l’exploitation qui parle ainsi. Puis, malgré qu’il lui en coûte, il remmène, sans avertir Antoine, toute la troupe à Arles. Là, il corrige Antoine, tempère Antoine, coupe Antoine, amoindrit Antoine, enlève tout Antoine ; et, en huit jours, d’un film vigoureux, fait « dans le goût du public », une chose informe, qui va enfin pouvoir être projetée.

Exemple : On voit maintenant l’Arlésienne au lit, dans un lit du faubourg Saint-Antoine. Piquante idée, pas vrai, de bon goût ? — Pour la première rencontre