Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
ANTOINE DÉCHAÎNÉ

enfin, messieurs, un siècle unique, où n importe quelle artiste de music-hall a le droit d’occuper la Justice et de réclamer d’elle un jugement admiratif contresigné par la Première Chambre ! »

Mais, Monsieur l’Avocat, c’est cela la bouffonnerie ou… la tristesse de votre histoire ! Vous qui montrez de l’esprit quand vous dînez en ville (je le sais, j’ai dîné avec vous), pourquoi plaider de fâcheuses causes où, mal à l’aise, vous entonnez un air qui ne sonne pas vrai ? Un bon mouvement : avouez qu’un des côtés piteux de « notre époque » c’est ce public, affadi par des journaux et des magazines qui n’ont comme rédacteurs que des photographes béats. — Malheureux public, il promène une fade admiration sur tous et toutes, éclairé par la Presse, dont les lumières rappellent celles des halls de gares et des salles de danse. J’ai le malheur, pour moi, de distinguer des ombres.

Vous me répondez que j’ai perdu mon procès, donc que j’ai tort. Ce n’est qu’une opinion d’avocat. Il n’est même pas sûr que ce soit l’opinion des juges.

Ce qui est certain, c’est que Fayard et moi avons passé une journée fameuse et… instructive. Mille francs de dommages ! Nous saurons à l’avenir ce qu’il en coûte